Les nouveaux bras de contournement de la Seiche

Les bras de contournement de Tertron et de La Motte
Deux bras de contournement sur la Seiche ont été créés par les propriétaires des moulins de Tertron et de La Motte sur la Seiche.
La Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de 2006 (LEMA) imposant de nouveaux classements des cours d’eau à travers l’article L 214-17 du Code de l’Environnement, deux listes de cours d’eau ont été arrêtées par le Préfet de Bassin en 2012 :
la Liste 1 qui vise à interdire la réalisation de nouveaux ouvrages,
la Liste 2 qui, pour le bassin de La Vilaine concerne La Seiche de la confluence de la Quincampoix jusqu’à la confluence de la Vilaine, impose une obligation d’assurer la circulation (montaison et dévalaison) aux espèces amphihalines (évoluant en eau douce et eau salée) et holobiotiques (effectuant des déplacements plus ou moins longs au cours de sa vie pour accomplir leur cycle biologique). Les espèces concernées sont ;
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L’anguille dont la sauvegarde est menacée pour des raisons de pollution, surpêche et ouvrages infranchissables.
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Le brochet qui retourne année après année aux mêmes places de fraie (Guide Delachaux)
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La vandoise espèce holobiotique qui ressemble au gardon
Déplacement des espèces
La conception des bras de contournement dépend de la capacité de nage des espèces (vitesse moyenne, vitesse de pointe), de leur capacité de saut, de leurs aptitudes particulières (reptation), des périodes de déplacement.
Ainsi l’anguille a des capacités de nage médiocre mais une aptitude à la reptation (capacité de ramper) ce qui permet aux civelles (anguilles juvéniles) de passer des ouvrages verticaux et de se déplacer dans des prairies herbeuses humides.
Le brochet quant à lui est un « sprinter » avec des pointes de vitesses supérieurs à 15 km/h mais sur des distances réduites. Un brochet reproducteur a besoin d’un tirant d’eau de 15cm pour évoluer.
Aucune des espèces concernées pour la Seiche n’a de capacité au saut.
Périodes de déplacement
Dans son cycle biologique l’anguille remonte les cours d’eau après son long voyage transatlantique. Cette « montaison » des civelles s’effectue toute l’année, il apparait donc nécessaire d’assurer des conditions favorables à ces déplacements y compris l’été.
Vers la fin de sa vie, l’anguille redescend les cours d’eau pour son cycle de reproduction. Cette « dévalaison » a lieu majoritairement en automne et en hiver.
Concernant le brochet sa période de fraie se situe entre Mars et Mai et son déplacement se fait en hiver et printemps.
Dimensionnement du bras
De ces données on déduit ;
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que le bras de contournement permettra de garantir une hauteur d’eau, minimale de 15cm en automne et hiver pour permettre au brochet de passer,
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que la vitesse d’eau sera réduite pour permettre au moins rapide de passer (anguille), elle sera <1,5 m/s.
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que des zones de repos seront aménagées pour permettre aux poissons de se reposer entre deux zones d’accélération,
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que la rivière ne se videra pas l’été tout en assurant un débit minimum requis par la réglementation (débit réservé) hors période d’étiage (quand le débit de la rivière est quasi nul).
La vitesse de l’eau dans le bras est fonction de la différence de hauteur d’eau en amont et en aval et de la longueur du bras. Plus la pente sera forte plus la vitesse sera élevée. La différence de hauteur d’eau étant de l’ordre de 1,10m, il a été retenu une pente de 1,2% pour une longueur de bas de 60m (Tertron).
La prise d’eau retenue a un profil en V. Le niveau légal correspond au droit d’eau du meunier (niveau d’eau accordé pour le fonctionnement du moulin)
Quand l’eau est au niveau légal la section de passage permet un débit d’eau supérieur ou égal aux 304,1l/s correspondant au débit réservé. Le niveau est régulé par les vannes ou surverses des ouvrages.
En été le débit de la rivière est très faible le niveau baisse, la section de passage est plus faible et le débit de passage s’en trouve réduit. Tout le débit de la rivière passe alors par le bras.
Régulation du niveau de la rivière
Quand le débit de la rivière est modéré les vannes à échelle sont fermées et l’eau passe par-dessus le clapet. Le dépot de surface (feuilles,…) peut s’évacuer.
Quand le débit de la rivière augmente le clapet est baissé et les vannes à échelles peuvent être partiellement ou totalement ouvertes. La vase de fond est entrainée.
Le moulin de La Motte n’a plus ses vannes à échelles qui ont été remplacées par le clapet automatique. Un déversoir joue le rôle de trop plein, le clapet s’ouvre quand le débit devient important
En été le débit est quasi nul (étiage) les vannes et clapet sont fermés, le peu de débit passe par le bras de contournement.
C’est durant l’étiage que la rivière est la plus fragile. La fermeture des vannes maintient une masse d’eau qui permet aux poissons d’évoluer mais dans le même temps les polluants continuent d’arriver.
Supprimer cette masse d’eau, par la destruction des ouvrages, ne ferait qu’accroitre la concentration des polluants en période d’étiage et condamner les poissons à avoir le ventre en l’air en périodes de sécheresse qui s’annoncent de plus en plus fortes et fréquentes.
Ce cycle de fonctionnement, de la crue à l’étiage, existe depuis des siècles et les récits montrent que l’anguille était abondante et que la faune est adaptée à ce type de rivières larges à courant lent (Guide Delachaux) et que les ouvrages sur La Seiche ne constituent pas le mal absolu qu’il faut éradiquer.
Ce cycle de fonctionnement impose également aux propriétaires une obligation d’exploitation et d’entretien des ouvrages.
Le financement des travaux
Ces travaux ont été réalisés par les propriétaires suite à la pression réglementaire et motivés par la volonté de sauver des ouvrages menacés de destruction. Les coûts engendrés par ces travaux ne sont que partiellement pris en compte par l’agence de l’eau (50% du montant du devis) et les études, obligatoires, restent à charge du propriétaire. La destruction des ouvrages aurait été financée à 100%.
A noter toutefois que l’étude du bras de contournement de Tertron a été réalisée par le Syndicat du Bassin Versant de la Seiche alors que celle de La Motte est restée à la charge du propriétaire.
Sur d’autres ouvrages (contournement de Mesneuf 125000 €, restauration de la morphologie des milieux aquatiques) les travaux sont totalement pris en charge par l’agence de l’eau.
Ces différences de traitement sont ressenties comme une injustice, une forme de punition infligée à quelques particuliers qui veulent protéger le patrimoine, que constitue la rivière et ses moulins, alors que la pollution est la seule vraie raison de la mauvaise santé des cours d’eau. Les pollueurs ne sont pas les payeurs.
Les montants investis dans ces travaux contraints par l’agence de l’eau, pour aider à l’amélioration de la qualité de l’eau et à la sauvegarde des espèces sont de plus, suivant les ouvrages, sans commune mesure avec les amendes infligées aux industriels pollueurs (voir ci-dessous).
L’environnement
Avec le temps les conditions environnementales se sont fortement dégradées et la pollution constitue le pire ennemi de nos rivières.
Elle s’attaque aux populations piscicoles par empoisonnement à petit feu avec la concentration dans les vases et son effet est particulièrement meurtrier quand il intervient en été.
Extraits Ouest France
« Lundi 12 août 2019, des pêcheurs ont constaté des centaines de poissons morts à la surface de l’Yaigne,….
…L’agent de l’AFB sait qu’en cette période de sécheresse « le cours d’eau a un débit très faible, environ six litres par seconde. Le débit des rejets de la station est quatre fois plus important ». Un débit formé par le rejet des industries… »
« La Société laitière de Retiers, filiale de Lactalis, avait provoqué la mort de milliers de poissons en août 2017 avec des rejets de lactose. Le parquet a souligné les négligences qui ont mené à la pollution...La Seiche est recouverte de poissons morts dans le secteur de Retiers sur 8 km…. »
«28/11/2017… Des centaines de poissons ont été retrouvés morts dans la rivière de la Valière, samedi 18 novembre à Vitré, par l’association La Gaule vitréenne. Veolia en assume la responsabilité…
Et seulement « … 3500 € d’amende… »
Et ce n’est probablement pas fini…
Le bras de contournement permet de faciliter des franchissements mais ne constitue pas la panacée universelle et son effet sera négligeable si le combat contre la pollution n’apporte pas d’amélioration.
On ne peut pas accepter qu’en supprimant les ouvrages la rivière ne se résume qu’à un vulgaire émissaire pour stations d’épuration.
Annexe1 Moulin de La Motte
Annexe 2 Moulin de TERTRON









